mercredi 18 octobre 2006

"Petit tour des murs"

Dans le métro parisien, ce mercredi, je parcours le journal gratuit 20 minutes. En première page, à l'occasion de l'édification par l'Arabie Saoudite d'une "barrière pour se protéger de l'Irak", est annoncé en page 13 un "petit tour des murs".

Tiens, me dis-je, nous allons découvrir que le dispositif établi par Israël, une barrière électronique prenant sur quelques pourcents de sa longueur la forme impressionante d'un haut mur de béton, n'est pas la seule réalisation de ce genre dans le monde et, outre le projet arabe qui constitue l'info du jour et la barrière américaine face au Mexique mentionnée dès la première page, on va nous parler de quelques autres auxquelles la comparer en longueur, en hauteur, en coût, en motivations ou en conséquences : on va certainement nous parler, donc, des 6 murs édifiés par le Maroc à la frontière du Sahara sur une longueur de près de 3000 km, de la barrière entre les deux Corées, de celle entre Chypre et la Turquie, de celle construite en Irlande du Nord, ou encore de la barrière entre l'Inde et le Pakistan, ou bien de celle séparant le Botswana du Zimbabwe, toutes ces barrières ou murs (voir les photos) dont on ne peut pas dire qu'ils aient mobilisé contre eux les faiseurs d'opinion quand, des années durant, le dispositif anti-terroriste israélien se trouvait lui quotidiennement dénoncé par les journalistes, par les politiques, jusqu'à la "justice internationale" : ceux-ci ayant tout ce temps totalement ignoré tous ces murs et barrières, ils auraient enfin l'occasion, grâce à 20 minutes, de rattraper leur retard et de s'interroger sur les poids et mesures de leurs dénonciations.

Eh bien non : une page entière est consacrée par 20 minutes à ce "tour des murs", mais... la demi-page supérieure ne parle pour moitié que du projet arabe et de la barrière américaine, et pour moitié de la barrière israélienne, décrite comme une "barrière de béton" qui couvrirait déjà "plus de 362 km" (alors que la partie "mur en béton" ne fait en réalité que quelques km), l'ensemble de cette demi-page se trouvant illustrée par une photo du mur à Qalqilya (Judée-Samarie), tandis que la deuxième demi-page est elle entièrement consacrée à Qalqilya, où Israël est accusé d'avoir, avec le mur antiterroriste, transformé cette ville "réputée modérée" en bastion du Hamas.

Récapitulons : 75% de cette page consacrée au "tour des murs" du monde est en fait entièrement dévolue à la barrière israélienne, avec à son sujet une affirmation fausse (la longueur de la partie en béton) et une analyse contestable (la source de l'extrémisme palestinien, c'est Israël)...

Bravo 20 minutes : un effort de mémoire et je me souviens que l'info du jour était la construction d'une barrière électronique par l'Arabie Saoudite, mais le sentiment du lecteur à la lecture de ce quotidien n'est-il pas, dans le meilleur des cas, qu'Israël est le leader en la matière, le mauvais exemple malheureusement suivi, de loin, par d'autres...

dimanche 8 octobre 2006

Redeker (II)

Chaque jour, nous pensons à R. Redeker.

Au-delà de la question générale de la liberté d'expression, pour nous valeur fondamentale y compris par ses limites qu'il appartient à la loi de tracer, le scandale de la fatwa dont il est victime est surtout l'occasion malheureuse d'aborder la question difficile suivante : devons-nous, face aux extrémistes de tous poils, nous en tenir à un "toutes les religions se valent" (voire, car nous l'avons aussi entendu : "toutes les opinions se valent" !) bien commode puisqu'il ne suppose aucune espèce d'examen sérieux de ce dont on parle ?

Pour avoir soutenu que non, Redeker voit son texte qualifié par ceux de ses adversaires qui sont dans la place de "nauséabond" : ceux-là "soutiennent" Redeker au nom de la liberté d'expression tout en se bouchant le nez (voire en examinant, tel le mrap, les possibilités de porter plainte contre lui...). Ainsi ce professeur de l'EHESS (encore l'EHESS ? mais oui, évidemment), Bauberot, s'est-il fendu dans Le Monde du 6/10/06 d'un article comparant Redeker à Drumont, article justement dénoncé par Caroline Fourest sur son site "Prochoix" :

http://prochoix.org/cgi/blog/2006/10/07/931-robert-redeker-ignoblement-injurie-et-diffame-par-jean-bauberot-antoine-peillon

On lira d'ailleurs avec intérêt les autres articles de Prochoix consacrés au soutien à Redeker, qui montrent notamment comment l'extrême-doite (où ceux qui utilisent le terme "nauséabond" voudraient faire croire que se situe le philosophe des "Temps Modernes"), qu'elle soit catholique ou nationaliste, considère Redeker (comme un ultra-gauchiste) :

http://prochoix.org/cgi/blog/2006/10/02/913-l-extreme-droite-fascisante-se-rejouit-du-sort-de-redeker

http://prochoix.org/cgi/blog/2006/10/02/912-l-extreme-droite-catholique-attaque-redeker-pour-ses-liens-avec-l-ultra-gauchiste-caroline-fourest


Si votre système informatique vous le permet, vous pourrez d'ailleurs entendre et voir des extraits d'une émission de France 3 où Bauberot s'en prend à Redeker, mais aussi entendre Romain Goupil, Caroline Fourest, etc. :

http://www.dailymotion.com/prochoix/video/xgnbz_redeker-liberte-dexpression


"Nauséabond", le terme est également utilisé à propos de l'article de Redeker par Julie Clarini, coproductrice de l'émission "Du grain à moudre" sur France Culture, au cours de l'émission du 6 octobre dernier qui recevait A. Medeb et A. Finkielkraut, à ré-écouter (ou à télécharger (podcast) pour le conserver dans vos archives) pendant une semaine sur

http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/grain/fiche.php?diffusion_id=45832

(Soit dit en passant, à ceux qui trouvent que Finkielkraut est bavard et ne laisse pas parler ses interlocuteurs, A. Medeb, pour qui nous avons une grande admiration malgré certains désaccord, entre par contre exactement dans cette description)

Nous n'avons pas retrouvé, sur la page désordonnée de RCJ (http://www.radiorcj.com/), l'enregistrement de l'émission très intéressante au cours de laquelle, mardi 3 octobre 2006 dernier, Finkielkraut donnait son analyse de l'affaire Redeker. Nous y avons par contre entendu Patrick Klugman, d'où le message suivant que nous lui avons fait parvenir :

A l'attention de Patrick Klugman,
suite à sa chronique du 6/10/06 consacrée à la fatwa contre R. Redeker
http://www.tv-radio.com/ondemand/rcj_od/klugman6oct.asx

Cher monsieur,

Débattre du texte de Redeker, dites-vous : volontiers, car pour le moment (dans une chronique de quelques secondes, il est vrai) vous n'apportez pour votre part strictement aucun argument contre ce texte dont vous dites qu'il ne contient aucune démonstration ni citation, ce qui est faux, et qu'il oppose "les uns aux autres" les trois monothéismes, ce qui est également faux.

Ce texte, que plusieurs qualifient de "nauséabond", est pourtant extrêmement proche du contenu de l'interview d'A. Medeb dans Libération du 23/09/06, je cite Medeb : " Nous avons à faire à un Prophète qui a été violent, qui a tué et qui a appelé à tuer. La guerre avec les Mecquois fut une guerre de conversion. Il y a eu aussi la guerre avec les juifs et le massacre des juifs à Médine, décidé par le Prophète." Libre à vous de vous accrocher à l'idée que "toutes les religions se valent", libre à moi de trouver ce genre de position bien-pensante naïve et "contre-productive".

Bien à vous,

Anatole